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Le point sur les conditions de la prise d'acte

Le point sur les conditions de la prise d'acte

La prise d’acte désigne tout acte par lequel le salarié notifie à l’employeur qu’il met fin au contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, quelle que soit la dénomination utilisée dans cet acte.

Confronté à une violation par l’employeur de ses obligations, le salarié peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail (Cass.Soc.25 juin 2003).

a) Les conditions classiques

Le juge devra vérifier 2 conditions classiques :

  • Que le grief invoqué par le salarié existe à la date de la rupture, qu’il soit réel. À éviter donc la prise d’acte prématurée, par exemple à l’occasion d’un simple projet de réduction des salaires : tant que la fiche de paye n’a pas été effectivement amputée (Cass.Soc, 16 mai 2012) ;
  • Mais aussi « suffisamment grave » pour justifier la rupture prise d’acte.

Il y a des comportements patronaux autorisant automatiquement la prise d’acte. C’est notamment le cas :

  • des atteintes à la dignité (Cass.Soc 7 février 2012)
  • de tout ce qui atteint le contrat : une modification imposée du contrat de travail, une mise au placard « l’employeur ayant l’obligation de fournir le travail convenu » ;
  • Hypothèse ou l’employeur a obligé son salarié de travailler à son domicile (Cass.Soc 31 janvier 2012)
  • En matière de prévention : « Tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, l’employeur manque à cette obligation lorsqu’un salarié est victime sur le lieu de travail d’agissement de harcèlement moral ou sexuel exercé par l’un ou l’autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements » (Cass.Soc 3 février 2010) 
  • Solution identique pour les violences physiques et morales (Cass.Soc 15 décembre 2010)

b) Les précisions récentes apportées par la Cour de cassation sur la notion de « manquement suffisamment grave »

Par trois arrêts du 26 mars 2014, la Cour de cassation est venue apporter des précisions sur la « gravité suffisante » des manquements justifiant la prise d’acte du salarié.
Elle a jugé que le manquement suffisamment grave est celui qui rend impossible la poursuite du contrat de travail.

Reste à savoir ce qu’il faut entendre par manquement « rendant impossible la poursuite du contrat de travail du salarié ».

À ce sujet, la Cour de cassation a dégagé un faisceau d’indices permettant de juger si oui ou non, le manquement invoqué par le salarié a pu rendre impossible la poursuite du contrat de travail de ce dernier :

  • 1er indice : l’écoulement du temps

L’écoulement du temps entre le moment ou l’employeur commet un manquement et celui où le salarié prend acte de la rupture, peut constituer un indice laissant penser que la poursuite du contrat de travail était bien possible. À défaut, le salarié aurait pris acte de la rupture beaucoup plus rapidement.
Toutefois, selon Pierrre Bailly, Doyen de la chambre sociale de la Cour de cassation, l’écoulement du temps ne permet pas automatiquement de juger la prise d’acte comme infondée.

Selon lui, « il serait erroné de considérer également qu’une modification ne peut justifier une résiliation si elle s’est poursuivie pendant longtemps. La faute de l’employeur ne disparaît pas si le contrat s’exécute avec cette modification ».

  • 2er indice : la répétition du manquement par l’employeur

Il ressort des arrêts du 26 mars 2014 qu’un manquement isolé de l’employeur ne justifierait pas la prise d’acte du salarié.

Il faut donc comprendre, a contrario, qu’un manquement récurrent de l’employeur pourrait justifier la prise d’acte du salarié.

  • 3ème indice : l’influence défavorable sur le montant de la rémunération perçue par le salarié ; critère retenu par l’arrêt du 12 juin 2014

Par deux arrêts du 12 juin 2014, la Cour de cassation retient comme critère d’appréciation du manquement grave de l’employeur, « l’effet défavorable sur le montant de la rémunération perçue par le salarié » (Pièce 31).

Dans ces deux affaires, l’employeur avait porté atteinte à la rémunération du salarié. 
Parce que cette modification n’avait eu d’effet défavorable sur le montant global de la rémunération perçue par le salarié, alors la Cour de cassation jugeait la rupture à l’initiative du salarié comme non fondée.

 

Publié le 27/06/2016