Menu

Nullité du Plan de Sauvegarde de l'Emploi et ses conséquences sur les départs volontaires Cass.Soc.30 mai 2013

Nullité du Plan de Sauvegarde de l'Emploi et ses conséquences sur les départs volontaires  Cass.Soc.30 mai 2013

Le Plan de Sauvegarde et de l’emploi se situe au cœur de la procédure des « grands licenciements économiques ». Aux termes des articles L1233-61 et suivants du Code du Travail, toute entreprise envisageant de rompre pour motif économique le contrat de dix salariés ou plus sur une période d’un mois doit construire un projet de PSE.

Par l’arrêt rendu le 30 mai 2013, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation confirme les exigences légales de validité du PSE et précise les conséquences de sa nullité sur le départ volontaire pour motif économique, de salariés, inclus dans le plan de sauvegarde de l’emploi.

En l’espèce, le contrat de travail d'un salarié a été rompu le 2 septembre 2009 par départ volontaire dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Par arrêt du 23 novembre 2009, la Cour d'Appel de Grenoble a annulé le plan de sauvegarde de l'emploi.

Le salarié (demandeur en première instance) a saisi la juridiction prud'homale et demandé que soit prononcée la nullité de la rupture de son contrat de travail, comme étant consécutive à un PSE déclaré nul.

La décision rendue en 1ère instance a fait l’objet d’un appel. La Cour d’Appel a accueilli la demande du salarié en considérant que l’annulation du plan de sauvegarde de l’emploi privait de cause le départ volontaire du salarié. Elle a donc prononcé la nullité de la rupture du contrat de travail et condamné l'employeur à verser différentes indemnités.

L’employeur( demandeur au pourvoi) a alors formé un pourvoi en cassation, en se fondant sur les articles L1235-10 et L1235-11 du Code du Travail ainsi que sur l’article 1134 du Code Civil et en considérant « que le départ volontaire d'un salarié intervenu dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi afin de limiter le nombre des licenciements, s'analyse en une résiliation amiable de son contrat de travail» et qu’en conséquence, « le salarié qui a opté pour un départ volontaire ne peut donc plus contester celui-ci, y compris en cas d'annulation du plan de sauvegarde de l'emploi dans le cadre duquel il est parti volontairement ».

Il s’agissait pour la Cour de Cassation de s’interroger sur la question suivante : quelle est la conséquence de la nullité du PSE sur le sort du contrat de travail rompu en application de l’accord de départ négocié, tel que prévu au titre du PSE ?

Par l’arrêt du 30 mai 2013, la Cour de Cassation a rendu un arrêt de rejet en se fondant sur les articles L1235-10 et L1233-61 du Code du Travail et en considérant « que la nullité qui affecte un plan de sauvegarde de l'emploi ne répondant pas aux exigences légales, s'étend à tous les actes subséquents et qu'en particulier la rupture du contrat de travail consécutive à un départ volontaire lorsqu'il a une cause économique et s'inscrit dans un processus de réduction des effectifs donnant lieu à l'établissement de ce plan, est elle-même nulle » , qu’en conséquence le départ volontaire du salarié était nul.

Après avoir confirmé les exigences légales et jurisprudentielles de validité du plan de sauvegarde et de l’emploi ( obligation d’un plan de reclassement s’intégrant au PSE , obligation d’information et consultation des représentants du personnel) (I), la Cour de Cassation rend un arrêt s’inscrivant dans le sillage de la Jurisprudence « la Samaritaine » en considérant que la nullité du PSE entraine celle des actes subséquents et notamment du départ volontaire du salarié prévu au titre du PSE (II).

 

I/  Confirmation par la Cour de Cassation des conditions de validité du PSE

Par l’arrêt du 30 mai 2013, la Cour de Cassation confirme l’obligation pour l’employeur d’intégrer un plan de reclassement au PSE (A) ainsi que d’informer, de réunir et de consulter les représentants du personnel sur ce plan de sauvegarde de l’emploi (B)

A. L’obligation d’un plan de reclassement s’intégrant au PSE y compris en cas de départ volontaire

L’arrêt du 30 mai 2013 rappelle l’obligation pour l’employeur d’intégrer dans le PSE, un plan de reclassement conformément à l’article L1235-10 du Code du Travail, à défaut de quoi, la procédure de licenciement est nul.

En effet, le licenciement pour motif  économique ne peut intervenir que lorsque le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré ce qui suppose, dans le cadre de grands licenciements économiques, l’élaboration d’un plan de reclassement intégré au PSE.

La Cour de Cassation rappelle cette exigence légale tout en confirmant  une jurisprudence antérieure selon laquelle l’exigence d’intégrer un plan de reclassement dans le PSE joue également en matière de départ volontaire de salarié inclus dans le PSE.

En 2010 la Haute Juridiction a  admis que, dès lors que le projet de réduction des effectifs n'envisage que des départs volontaires et comporte l'engagement exprès de ne procéder à aucun licenciement, l'employeur soit dispensé de son obligation légale d'établir un plan de reclassement interne s'intégrant au PSE : Cass.Soc.26 octobre 2010

Mais en 2012, la Cour de Cassation a fait un pas de plus : Si l'employeur qui entend supprimer des emplois pour des raisons économiques en concluant avec les salariés des accords de rupture amiable, n'est pas tenu d'établir un plan de reclassement interne lorsque le plan de réduction des effectifs au moyen de départs volontaires exclut tout licenciement pour atteindre des objectifs qui lui sont assignés en terme de suppression d'emplois, il en va autrement lorsque le projet de réduction d'effectifs de l'employeur implique la suppression de l'emploi de salariés qui ne veulent ou ne peuvent quitter l'entreprise dans le cadre du plan de départs volontaires : Cass.25 janvier 2012. En d’autres termes, lorsque le projet de réduction des effectifs implique la suppression de l’emploi de salariés qui ne veulent ou qui ne peuvent  quitter l’entreprise dans le cadre du plan de départ volontaire, un plan de reclassement interne doit être élaboré.

Le maintien de ces salariés dans l'entreprise supposant nécessairement en ce cas un reclassement dans un autre emploi, un plan de reclassement interne doit alors être intégré au plan de sauvegarde de l'emploi. Il faut comprendre que si le projet de restructuration mis en place par l'employeur se traduit au final par la suppression de l'emploi de salariés, plan de départ volontaire ou PSE, l'employeur doit reclasser.

Par un arrêt du 29 octobre 2012, la Cour de cassation a confirmé la jurisprudence du 25 janvier 2012. Dès lors, faute pour la société d'avoir établi un PSE intégrant un plan de reclassement, les licenciements sont nuls. En d'autres termes, en cas de défaut de plan de reclassement interne, la rupture sera jugée nulle si l'emploi est supprimé : Cass.29 octobre 2012

La solution retenue par la Cour de cassation le 30 mais 2013, est tout à fait cohérente avec la ligne jurisprudentielle mise en place par la Cour de cassation, posant un lien étroit entre plan de départ volontaire et reclassement.

En l'espèce, les départs volontaires prévus dans le PSE s'adressaient aux salariés dont le licenciement était envisagé, en raison de la réduction d'effectifs, sans engagement de ne pas les licencier si l'objectif n'était pas atteint au moyen de ruptures amiables des contrats de travail des intéressés. Aussi, l'employeur est tenu, à l'égard de ces salariés, d'exécuter au préalable l'obligation de reclassement prévue dans le plan, en leur proposant des emplois disponibles dans les sociétés du groupe et adaptés à leur situation personnelle.

En conséquence, l’employeur était tenu d’intégrer un plan de reclassement quand bien même des départs volontaires étaient conclus.

Après avoir confirmé l’exigence légale d’intégrer un plan de reclassement dans le plan de sauvegarde, la Cour de Cassation rappelle dans le même temps, l’obligation pour l’employeur d’informer et de consulter les représentants du personnel sur le plan social envisagé.

B. L’obligation d’information, de réunion et de concertation des représentants du personnel

Toute la jurisprudence sur les plans sociaux n’a fait que renforcer l’importance de l’information-consultation des représentants du personnel. L’arrêt du 30 mai 2013 s’efforce de  rappeler  cette exigence en indiquant que les représentants du personnel doivent être « réunis, informés et consultés ». A défaut, la procédure de licenciement est nulle.

Si le plan social s’analyse juridiquement comme un engagement unilatéral de l’employeur à l’occasion d’une procédure de licenciement économique collectif et dans lequel il énonce les mesures mises en œuvre "pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et pour faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité" (Cass.Soc. 4 avril 1990), la Cour de Cassation rappelle qu’ il s’agit bien d’un document qui fait partie du dossier soumis à l’information-consultation du comité d’entreprise.

Sans doute cherche-t-elle à ne pas faire oublier que la soumission du PSE au représentant du personnel n’est pas une simple formalité mais doit permettre une discussion utile et une amélioration des dispositions initiales.

La Cour de Cassation a en effet souhaité faire apparaitre la discussion du plan de sauvegarde de l’emploi intégrant le plan de reclassement, comme le point capital de la procédure des grands licenciements économiques. Cette solution a été acquise avant même l’intervention de la loi du 27 janvier 1993, avec l’arrêt de la Chambre sociale du 10 avril 1991 CEPME dans lequel la Cour de Cassation a jugé "que dès l’instant que, dans le cadre d’une opération de diminution des effectifs d’une entreprise, plus de dix licenciements sont prévus, la procédure de consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel est obligatoire" ;

En l’espèce, la Chambre Sociale ne se contente pas en effet, d’employer les termes de consultation et de concertation. Elle utilise également celui de «  réunir » pour souligner l’importance du dialogue entre représentants du personnel et l’employeur ainsi que le rôle actif de ces derniers  dans l’amélioration des dispositions contenues dans le PSE ;

Sur ce point, la solution dégagée par l’arrêt du 30 mai 2012 n’est pas surprenante puisqu’elle applique strictement les règles légales en la matière.

Après avoir rappelé les exigences légales de validité PSE et considéré en l’espèce qu’elles n’étaient pas remplies, la Cour de Cassation se prononce sur les conséquences de la nullité du PSE sur les départs volontaires.

II/ La nullité du PSE entrainant celle des actes subséquents : une solution dans le sillage de la jurisprudence «  la Samaritaine ».

Par l’arrêt rendu le 30 mai 2013, la Cour de Cassation rend une solution qui s’inscrit en cohérence et en continuité avec la jurisprudence « la Samaritaine » en admettant la nullité des départs volontaires tout en précisant à quelles conditions celle-ci peut intervenir (A).Cette solution conduit inévitablement à s’interroger sur les conséquences indemnitaires d’une telle décision pour le salarié ainsi que sur sa réintégration éventuelle dans l’entreprise (B).

A.     La nullité du départ volontaire soumise à deux conditions cumulatives

 

Par l’arrêt du 30 mai 2013, la Cour de Cassation considère que la nullité qui affecte un plan de sauvegarde de l’emploi ne répondant pas aux exigences légales s’étend à tous les actes subséquents et en  particulier, aux départs volontaires.

En l’espèce, le PSE litigieux a été annulé par la Cour d’Appel de Grenoble de sorte que salarié ayant fait l’objet d’un départ volontaire pour cause économique sollicitait du Juge la nullité da la rupture de son contrat de travail, nullité admise par la Cour de Cassation.

Par l’arrêt du 30 mai 2013, la Chambre Sociale rend indéniablement une solution qui s’inscrit en cohérence et surtout en continuité avec la Jurisprudence  « la Samaritaine » du 13 février 1997 : dans cette affaire la Haute Juridiction avait retenu une règle à l'époque non prévue par le législateur ni codifié, extrêmement audacieuse, selon laquelle la nullité qui affecte le plan social (devenu plan de sauvegarde de l'emploi) s'étend à tous les actes subséquents. En particulier les licenciements prononcés par l'employeur, qui constituent la suite et la conséquence de la procédure de licenciement collectif, sont eux-mêmes nuls. Depuis, la solution a été consacrée par le législateur à l’article L. 1235-10 du Code du Travail.

En l’espèce la Cour de Cassation étend cette solution aux départs volontaires des salariés inclus dans le plan de sauvegarde de l’emploi.

 

Il convient toutefois de faire remarquer que certaines exceptions demeurent en droit positif notamment en ce qui concerne les sociétés en redressement ou en liquidation judiciaires pour lesquelles, en cas d 'insuffisance ou d’absence de PSE, les dispositions du Code du travail prévoyant la nullité des licenciements ne leur sont pas applicables (art. L. 1235-10, al.3 du Code du Travail, dispositions jugées conformes à la Constitution par la décision du Conseil Constitutionnel du 28 mars 2013).Il en est de même pour les salariés de moins de deux ans d'ancienneté ou travaillant dans une entreprise de moins de onze salariés, pour lesquels la sanction prévue par l'article L. 1235-10, en cas d'absence de PSE, ne leur sont pas non plus applicables (C.trav., art. L. 1235-14, 1˚).

Après avoir admis la nullité du départ volontaire du salarié, la Cour de Cassation précise les conditions de cette nullité : le départ négocié n'est annulable au titre de l'annulation du PSE qu'à une double condition :

— le départ volontaire du salarié doit s’inscrire expressément dans le cadre du projet de PSE, qui inclue un appel aux départs volontaires ;

— le poste du salarié doit être "susceptible" d'être supprimé, c'est-à-dire, doit avoir vocation à être supprimé ;

Le départ négocié ne doit donc pas s'inscrire dans le cadre des "ruptures conventionnelles", dont le régime juridique est propre et autonome. Le législateur a, en effet, précisé que les dispositions légales régissant les ruptures conventionnelles ne sont pas applicables aux ruptures de contrats résultant d'un accord de GPEC ou des PSE (C. trav, art. L. 1237-16).

B.     Un arrêt silencieux quant aux effets de la nullité du départ volontaire : des conséquences prévisibles en matière indemnitaire et en matière de réintégration du salarié dans l’entreprise

Lorsque  le juge prononce la nullité d'une rupture de contrat de travail, mise en œuvre par l'employeur au titre de départs négociés prévus par le PSE, se pose alors la question des effets de cette nullité. Sur ce point, l’arrêt reste silencieux, sans doute parce que les questions sont en grande partie déjà traitées par le législateur ou résolues par la jurisprudence.

En ce qui concerne les conséquences indemnitaires : si le juge prononce la nullité du PSE, il s'ensuit que les sommes perçues par les salariés en vertu du PSE n'ont plus de fondement juridique. Pour la Cour de cassation (Cass.Soc.28 mars 2012), la nullité du plan oblige les salariés à restituer les sommes perçues en exécution de ce plan, lesquelles viennent en déduction de la créance à titre de dommages-intérêts qui leur est allouée. La solution aurait certainement vocation à s'appliquer, s'agissant de salariés dont la nullité de la rupture du contrat de travail dans le cadre d'un départ volontaire résulte de la nullité du PSE (au sens de l'arrêt rapporté).

En ce qui concerne la réintégration, depuis la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 validée par le Conseil constitutionnel sur ce point (Conseil Constitutionnel 13 janvier 2005), le juge peut soit ordonner la poursuite du contrat de travail, soit prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.

En l’espèce, puisque la rupture du contrat de travail est elle-même nulle, faut-il en déduire que l'article L. 1235-11 du Code du travail s'applique, et que les salariés peuvent se prévaloir du droit à réintégration ? Stricto sensu, les dispositions codifiées ne mentionnent pas la rupture du contrat de travail consécutive à un départ négocié, dans le cadre d'un PSE, mais seulement le licenciement. Toutefois dans la mesure ou, en l’espèce, la rupture du contrat de travail est consécutive à un départ pour cause économique s'inscrivant dans un processus de réduction des effectifs donnant lieu à l'établissement d'un PSE il y a de forte chance que cette rupture soit assimilable à un licenciement, au sens de l'article L. 1235-11 du Code du travail.

La réintégration du salarié dont le contrat de travail a été rompu en application d'un départ volontaire au titre d'un PSE, et dans l'hypothèse où le PSE serait annulé, pourra donc être envisagée à la lumière des solutions connues, en matière de réintégration :

— appréciation de la matérialité de la possibilité d'une réintégration : en 2005, la Cour de cassation a développé une jurisprudence permettant de mieux saisir le sens de l'obligation de réintégration. En l'espèce, la société avait cessé définitivement son activité, ses actifs industriels avaient été vendus. L'entreprise ayant disparu, les juges du fond ont pu en déduire que la réintégration, demandée dans les seuls emplois que les salariés occupaient dans cette entreprise avant leurs licenciements, était devenue matériellement impossible : Cass.Soc.20 juin 2005

— périmètre de la réintégration : l'obligation de réintégration résultant de la poursuite alors ordonnée du contrat de travail ne s'étend pas au groupe auquel appartient l'employeur .Si l'établissement dans lequel travaillaient les salariés irrégulièrement licenciés a fermé, ceux-ci doivent être réintégrés dans des postes équivalents situés dans d’autres établissements : Cass.Soc.15 février 2006

S’agissant enfin du non-remboursement des allocations d'assurance chômage par l'employeur ou le salarié : Le remboursement des indemnités de chômage à Pôle Emploi que le conseil de prud'hommes ordonne lorsqu'il constate qu'un licenciement est sans cause réelle et sérieuse, ne peut être ordonné en cas de nullité du licenciement résultant de la nullité du plan social (Cass.Soc.24 janvier 2006).Mais parallèlement, la Cour de cassation a admis que la nullité du licenciement n'a pas pour effet de priver rétroactivement un travailleur du droit à l'allocation d'assurance que l'ASSEDIC lui a servie pendant la période comprise entre son licenciement et sa réintégration où il était involontairement privé d'emploi, apte au travail et à la recherche d'un emploi (Cass.Soc.11 mars 2009). Sans doute, ces solutions pourront elles s’appliquer au cas de l’espèce.

 

 

 

 

Publié le 17/09/2013